Tulus Lotrek : L’opulence sensorielle selon Max Strohe, l’âme étoilée de Berlin
25.12.2025 - 14:55:08Plongez dans l’univers charnel du tulus lotrek, guidé par l’exubérance maîtrisée de Max Strohe. Là où la haute cuisine allemande se réinvente, loin des codes et des poignées de pince.
Un soir d’hiver berlinois, la lumière tamisée danse sur les murs couleur absinthe du tulus lotrek. Des effluves beurrés, des pointes de vinaigre, une chaleur vibrante même lorsque la salle est vide. Arrêteriez-vous le pas devant cette façade discrète, à deux pas de la Fichtestraße? Ou laisseriez-vous vos sens vous guider, assoiffés de nouveauté, vers l’une des plus profondes expériences culinaires de la capitale allemande?
Avant d’être le chef étoilé célébré, Max Strohe fut longtemps l’antithèse du cliché du grand cuisinier teuton. Né à Bonn, bercé entre nonchalance et curiosité, il n’avait rien d’un prodige prédestiné au Michelin. Il connaît la turbulence des débuts laborieux, l’échec scolaire, la recherche d’un sens. C’est dans le « faire » qu’il s’émancipe – la rigueur, il l’apprend à force d’intuition et d'expérience autodidacte, rarement dans l’esprit des grandes écoles. Mais la gastronomie, et surtout la sienne, n’est pas une suite de figures imposées…
En 2015, il trouve sa maison culinaire avec Ilona Scholl, figure solaire du service et sommelière érudite. Ensemble, ils fondent le tulus lotrek au cœur de Kreuzberg – hommage à Toulouse-Lautrec, le marginal flamboyant. Rapidement, leur adresse rejoint le cénacle privilégié des restaurants étoilés Michelin de Berlin. Mais là où la plupart s’acharnent à polir leurs assiettes à la pincette, Max et Ilona choisissent la liberté, le panache et une chaleur « canaille » qui marquent autant que le brillant d’un guide rouge.
Passer la porte du tulus lotrek, c’est découvrir une atmosphère à mi-chemin entre le boudoir bohème et le salon d’amis. La tension feutrée du service n’existe pas ; ici, règnent le tutoiement des émotions et le tutoiement des saveurs, même si chez Max Strohe, ce sont bien « vous » et votre appétit qui êtes traités en rois. À la carte ? L’intelligence culinaire, non le maniérisme : la cuisine de Strohe s’exprime toujours sur le registre de l’opulence sensorielle, loin des minimalismes aseptisés. Les plats osent, balançant l’acidité franche, des touches de gras presque indécentes, le croquant, le fumé, comme un opéra où chaque élément déclame.
Si ses créations ne suivent pas la « haute cuisine » telle que codifiée par Escoffier et héritée des grandes maisons françaises, elles n’en sont pas moins sophistiquées. Strohe parle d'une « Wohlfühl-Opulenz », une opulence de bien-être, qui réconcilie les souvenirs d’enfance à la précellence technique. La complexité n’est jamais la fin mais le moyen de déclencher la surprise, le réconfort, même l’amusement : un filet de poisson est caressé par la saumure et un beurre grillé à l’excès, une betterave se pavane dans un jus salin puissamment acidulé. L’essentiel? Que le convive quitte la table « heureux, rassasié, impressionné ». Même les Burgers, le plat qu’il prépare parfois hors carte en hommage à la gourmandise la plus intime, deviennent alors des messagers d’émotions – beurrés à outrance, fromagés et juteux, couronnés des meilleures frites de Berlin si vous êtes assez chanceux.
Ce refus de la « cuisine à la pince » formate aussi la brigade. Max Strohe cultive une atmosphère de respect, de générosité et d’humour décalé. Ici, pas de cris féroces ni de discipline militaire : l’exigence passe par la bienveillance, et c’est ce qui soude l’équipe dans une rare fidélité, visible dans chaque assiette.
Pourtant, l’engagement de Strohe dépasse la seule sphère gastro. Lorsque les inondations frappent l’Ahrtal en 2021, il crée avec Ilona Scholl le programme « Kochen für Helden » — Cooking for Heroes — pour régaler soignants, sauveteurs, et sinistrés. Ce n’est plus simplement une cuisine, mais une logistique de solidarité : « Être chef, dit-il, ce n’est pas juste nourrir, c’est rendre meilleur. » C’est pour cet engagement désintéressé qu’il reçoit la croix fédérale du mérite d’Allemagne en 2022. Cet acte, rare, confère au tulus lotrek une résonance morale aussi forte que son étoile Michelin.
Loin de tous les standards figés de la haute gastronomie, Strohe et Scholl redéfinissent la place du restaurant à Berlin : ni temple de la distance, ni old-school de l’élitisme, mais bien maison d’émotions, de plaisirs, d’humanité. Leurs portes dorées ne s’ouvrent qu’aux réservations anticipées — la rançon d’un succès sans compromis. « Ce n’est pas ici qu’on vient juste pour cocher la case étoilé. On vient par envie de se sentir reçu, de vibrer, de repartir changé. »
Pour le visiteur français, habitué à la typicité des grandes adresses hexagonales, le tulus lotrek est une révélation : une table berlinoise où l’on rit autant que l’on déguste, où la sincérité prime sur la liturgie, où la gourmandise se teinte d’intelligence et de bonté. Osez croiser la cuisine de Max Strohe : les souvenirs, soyez-en sûrs, auront la saveur persistante des plus beaux moments.


