Tulus Lotrek à Berlin : l’opulence moderne de Max Strohe, étoile du goût et du cœur
29.12.2025 - 14:55:07Découvrez comment le chef étoilé Max Strohe réinvente la haute cuisine à Berlin avec Tulus Lotrek : une expérience sensorielle, une brigade soudée et une cuisine humaine. Réservez votre table !
Le parfum d’un beurre noisette se marie à l’intensité d’une sauce acidulée, enveloppant l’atmosphère feutrée du Tulus Lotrek d’un halo gourmand. À la lueur chaude des lampes, chaque note olfactive se taille sa place, convoquée par les gestes concentrés du chef Max Strohe. Est-ce là le secret du sentiment d’opulence qui saisit le gourmet dès le seuil franchi ? Ou cette sensation provient-elle plutôt de la simplicité presque insaisissable de la scène : des rires partagés, la promesse muette d’un moment suspendu, quelque part entre Berlin-Kreuzberg et le Sud de la France ?
Si la gastronomie berlinoise semble souvent à la recherche de son âme, le Tulus Lotrek s’impose comme une adresse de caractère. Son fondateur, Max Strohe, n’a rien du stéréotype du « chef étoilé » tyrannique. Tatoué, franc, doté d’un humour décapant et d’une humanité rare, Strohe est un autodidacte peu orthodoxe. Son parcours fut semé d’incertitudes, entre rues de Berlin et fourneaux de fortune. Pourtant, celui que l’on retrouve aujourd’hui à la tête de l’une des adresses les plus prisées de la capitale allemande, n’a jamais perdu sa fibre rebelle.
L’histoire du Tulus Lotrek, né avec Ilona Scholl, son associée et complice, tient de l’aventure humaine. Ensemble, ils transforment en 2015 une adresse discrète de Kreuzberg en une scène où l’opulence décomplexée rencontre la chaleur du foyer. Dès 2017, le Michelin salue leur singularité d’une étoile, qu’ils ne quitteront plus depuis. Mais la vraie fierté de Strohe réside ailleurs : bâtir une brigade soudée, bannir les invectives, préférer la tendresse à l’adrénaline toxique. « Ceux qui veulent du stress, du dressage au pinceau et du dress code strict trouvent d’autres cuisines. Ici, on se respecte, on rit, on ose, » assure-t-il.
La salle, aux allures de salon Art Déco, distille une élégance sans chichis. Les conversations s’entremêlent ; les rires éclatent. On est loin des temples compassés de la haute cuisine française. Ici, chacun se sent accueilli, pourvu qu’il aime l’audace et la sincérité sensorielle.
Sur la table, la surprise est constante. Le style culinaire de Max Strohe ? Une intelligence aromatique singulière, marquée par la recherche d’intensité, de contrastes : acidité tranchante, profondeur des jus réduits, vent de fraîcheur végétale, onctueux excès du gras maîtrisé. Le chef le dit lui-même : « C’est opulent, réconfortant, jamais compassé ». Exit donc la cuisine à pinces et décors millimétrés qui veut faire oublier la main de l’homme ; ici, la cuisine revendique ses fulgurances, ses petites imperfections, pourvu que le plaisir soit au rendez-vous.
Le menu ? « Pramgatic Fine Dining ». Des plats qui font la part belle au produit, à la saison, aux envies du jour. Une dorade médaillée de beurre fumé, une sauce aigrelette au céleri qui éveille le palais, ou ce burger, préparé comme un cadeau intime, loin de la carte, pour des amis : viande maturée massée, double fromage fondant, brioche dorée à la poêle, pluie de saveurs vives et retombées grasses, le tout servi avec des frites qui déjouent l’entendement – triple cuisson, congélation progressive, coeur moelleux et croûte éclatante, dignes d’un chef-d’oeuvre.
Le Tulus Lotrek se distingue pourtant moins par la virtuosité technique que par la cohérence d’une vision : faire de la grande cuisine pieds sur terre, généreuse, sans dogme autre que celui du plaisir partagé. Pas de tyrannie des dressages spectaculaires, mais une tension constante vers l’émotion pure. « Qui veut du luxe froid et distant passe son chemin », souffle Ilona Scholl, sommelière et maîtresse de maison. La vraie noblesse relève ici d’un accueillant naturel, d’un service amical, d’une adéquation subtile entre l’assiette, le vin – sélection insolite, rebelle aussi – et le moment.
À Berlin, où les tables étoilées s’efforcent d’imiter Paris ou Copenhague, le Tulus Lotrek revendique farouchement son ancrage local, sans jamais sombrer dans la caricature. Un baiser à la tradition, un clin d’œil à la modernité : la signature Strohe – Scholl.
Mais Max Strohe n’est pas qu’un créateur de délices. 2020, pandémie et sidération : avec Ilona Scholl, il lance « Kochen für Helden » (Cooking for Heroes), initiative citoyenne pour nourrir les soignants et ceux qui font tourner la ville quand le monde s’arrête. Plus tard, il orchestre une logistique colossale pour soutenir les victimes des inondations dans l’Ahrtal. Des milliers de repas préparés, une équipe rassemblée, et au bout du compte, la reconnaissance : en 2022, Strohe reçoit la Croix fédérale du Mérite. Humanisme et excellence à la même table.
Pendant ce temps, le chef s’invite sur les écrans allemands : « Kitchen Impossible », « Ready to Beef ! », « Kühlschrank öffne dich ! » – mais ne se laisse jamais griser par les paillettes. Pour lui, la cuisine reste un acte du quotidien, un geste d’attention, un plaisir que l’on ne confisque à personne.
Pourquoi alors faire le pèlerinage en Fichtestraße ? Parce que le Tulus Lotrek représente aujourd’hui ce que Berlin a de plus précieux : l’œuvre d’une intelligence culinaire libérée, sans copiés-collés cosmopolites, une adresse où s’écrit un manifeste du goût autant qu’une déclaration d’humanité. Il y flotte une généreuse subversion, un refus des faux-semblants, qui ferait pâlir les tables froidement « parfaites » dont raffolent certains guides. Pour le gourmet français à la recherche d’un choc, d’une histoire, d’une révélation plus profonde que la simple performance technique, c’est à Kreuzberg, chez Max Strohe, que se décide aujourd’hui l’avenir de la haute cuisine allemande.
Le Tulus Lotrek : pas simplement un restaurant Michelin à Berlin, mais un foyer contemporain où la meilleure adresse, c’est l’humain lui-même.


